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Sommaire
Introduction
Laurence Talairach-Vielmas, Rafael Mandressi
Didier Foucault
Nathalie Rivere de Carles
Frédérique Fouassier
Laurence Dahan-Gaida
Gisèle Séginger
Gaïd GIRARD
Laurence Talairach-Vielmas
Hélène Machinal
Pierre C. Lile



Introduction. Mécaniques du vivant

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Littérature et médecine. Voici deux champs disciplinaires dont le croisement ne devrait guère surprendre aujourd’hui. Depuis une trentaine d’années, l’étude des textes médicaux comme littérature et de la littérature comme dispositif de connaissance participant à la diffusion, voire à la constitution des savoirs médicaux, a donné lieu à de nombreux travaux, marquants pour certains d’entre eux[1]. Une revue trimestrielle, publiée par les éditions de l’Université Johns Hopkins, est spécifiquement consacrée à les accueillir : Literature and Medicine, dont la première livraison date de 1982. L’année précédente, l’historien George Sebastian Rousseau avait publié un « état des lieux » de la question dans Isis, l’une des plus anciennes revues internationales d’histoire des sciences[2]. En 1981, il y avait donc déjà matière à bilan. Il suffit, d’ailleurs, d’évoquer le nom de Jean Starobinski pour constater à quel point la puissance d’une œuvre a pu rendre fertile le terrain de rencontre du regard littéraire et de l’approche historienne à l’heure de cerner la pensée et le discours médicaux.
Le recueil d’articles qui suit s’inscrit dans cette perspective, en revenant sur les liens entre le savoir des médecins et la construction des représentations du corps humain, en particulier à travers l’anatomie, le rôle majeur qu’elle joua dans la constitution du corps en tant qu’objet théorique, son empreinte ailleurs que dans les seuls écrits savants, les débats qu’elle suscita dès l’avènement de la pratique des dissections de cadavres humains. Le terme « anatomie » vient mettre en image, depuis la première modernité, des opérations de connaissance ; le modèle anatomique fait l’objet d’appropriations diverses dans les domaines les plus variés auxquels l’histoire culturelle peut s’intéresser. Il fournit la métaphore privilégiée pour dire la saisie du monde, il donne lieu à de véritables « genres » éditoriaux, telles les « anatomies » – littéraires, philosophiques, politiques – que l’on publie outre-Manche entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe avec une intensité sans précédent[3]. The Anatomy of Melancholy de Robert Burton (1577-1640) n’est, à cet égard, que la plus connue des expressions de ce phénomène[4].
En instaurant une image du corps humain ouvert, morcelé, dévoilé, le savoir anatomique irrigue, à l’époque moderne, les façons de voir et de comprendre le réel : la connaissance procède par fragmentation, les pratiques savantes et de l’imaginaire intègrent le geste de découpage – on anatomise le monde comme l’on découpe un corps pour mieux le comprendre, pour en percer les arcanes et les mettre au jour. Le discours anatomique circule dans l’ensemble du champ culturel, devient l’outil par excellence pour toute entreprise vouée à projeter sur la surface de l’intelligibilité les « vérités » dissimulées sous les dehors immédiatement visibles des choses. D’où le basculement de l’anatomie, dès la seconde moitié du XVIe siècle, vers un sens figuré qui ne cessera de s’amplifier tout au long des deux siècles suivants, voire au-delà. Du corps incisé par la lame du dissecteur s’échappe ainsi une substance anthropologique, culturelle, symbolique, qui ira imprégner, entre autres, la littérature et les arts à partir de la Renaissance ; les corps qui s’y dessinent, inévitablement serait-on tenté de dire, sont ceux sur lesquels les stratégies épistémologiques liées à la dissection ont stabilisé un regard spécifique : des corps segmentés, architecturés, secs, mécaniques.
C’est pour reprendre, prolonger et évaluer le dialogue entre ces champs du savoir et de la culture que les articles qui suivent ont été réunis. Issus de deux journées d’étude qui ont examiné les liens entre les développements historiques de la pensée médicale et la vision du corps humain entre le XVIIe et le XIXe siècles[5], les contributions proposent un voyage au pays du corps, un corps parfois malmené par la science anatomique, dépecé, excorié, ou encore un corps marqué par les stigmates de la maladie. Si la physiologie humorale perdure jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, comme le souligne Didier Foucault, qui étudie l’évolution des conceptions du système cérébronerveux de la physiologie ancienne aux Lumières pour expliquer les activités sensorimotrices, les articles montrent comment le corps humain s’inscrit de plus en plus dans une vision mécaniciste au fil des siècles. Sang, phlegme, bile jaune ou noire entrent en compétition avec de nouvelles images qui transforment le corps-chaudière en divers circuits et pompes, dont la théorie des animaux-machines de Descartes n’est qu’un avatar. La figure du corps mécanique redéfinit l’homme comme un assemblage de pièces amovibles. En outre, l’opacité relative des profondeurs du corps humain cède peu à peu sous le scalpel, une épaisseur est traversée et rendue visible jusqu’à l’ossature, faisant apparaître un nouvel objet, un nouveau corps réaménagé dans ses modes d’existence sociale et ses significations. Il fait irruption non seulement dans les traités d’anatomie mais aussi dans d’autres mises en récit : la scène littéraire participe activement à son inscription dans la trame plus vaste des représentations socialement partagées ; elle nourrit aussi, en retour la pensée médicale elle-même.
La manifestation scientifique qui a donné lieu à ce recueil d’articles a réuni médecins, philosophes, historiens de la médecine, chercheurs en littérature anglaise, allemande et française afin d’engager une réflexion épistémologique sur la diffusion et l’impact de disciplines et champs liés aux savoirs médicaux sur les représentations littéraires entre le XVIIe et le XIXe siècles. En suivant le passage des idées et des enjeux médicaux dans les constructions littéraires du corps humain, les articles illustrent le rôle du récit littéraire, la littérature apparaissant comme un témoin privilégié des cartographies mouvantes du corps, un indice des nouveaux modèles épistémologiques que le texte met constamment en scène à travers ses stratégies narratives et personnages. Ainsi, en retraçant les trajectoires des matériaux savants dans les œuvres littéraires, les articles soulignent les transformations d’un corps indivisible à un corps fragmenté, disséqué, simiesque ou même transparent.
Comme le met en exergue Nathalie Rivère de Carle, l’esthétique anatomique fait partie de l’imaginaire dès la Renaissance. La scène culturelle se voit marquée par une nouvelle vision de l’intériorité du corps humain. La culture de la Renaissance, « culture de la dissection », offre, en effet, une véritable « poétique de la dissection »[6]. Dans le théâtre de la Renaissance, le combat entre théologie, anatomie et théâtre place le corps, objet de curiosité, d’exploration, de connaissance et d’enseignement, au centre des débats. En partant du mythe de Marsyas, le premier écorché de l’histoire de la littérature, Rivère de Carles montre comment le théâtre anglais de la Renaissance exploite la mécanique de l’enveloppe externe du vivant dans son exploration d’une subjectivité entre norme et marginalité. Son article confronte anatomistes (Vésale, Valverde), peintres (Michel-Ange, David), poètes (Dante) et dramaturges (Shakespeare, Middleton, Preston), afin de mettre en lumière diverses représentations de l’expérience excoriative. Pour Frédérique Fouassier, en revanche, ce sont les nombreuses allusions et références à la syphilis dans les pièces de la Renaissance qui donnent au théâtre une valeur documentaire pour l’historien de la médecine, renseignant sur la connaissance de la maladie, mais utilisant également la syphilis de manière métaphorique, notamment pour dénoncer la corruption morale de leurs contemporains. C’est pourquoi, selon Fouassier, les pièces de Shakespeare et les comédies citadines fournissent une critique sociale bien plus complexe et problématique que la stigmatisation des pauvres et des vagabonds que l’on trouve dans certains traités médicaux, comme, par exemple, dans A Short and Profitable Treatise Touching the Cure of the Disease Called Morbus Gallicus by Unctions (1579) du barbier-chirurgien William Clowes. La vie urbaine, sa débauche et ses faux-semblants sont dénoncés, et la syphilis sert de révélateur de la corruption des classes pourtant identifiées comme respectables.
Laurence Dahan-Gaida nous emmène ensuite au cœur du XIXe siècle et se penche sur Georg Büchner (1813-1837). A la fois médecin et poète, Büchner est passionné par l’anatomie et la physiologie, notamment par celles du cerveau. Sa tragédie, Woyzeck (1837), porte un regard acéré sur la médecine de son temps. En croisant l’étude de ses écrits scientifiques et de son œuvre théâtrale, Dahan-Gaïda montre à quel point son écriture se révèle inséparable de ses conceptions médicales, scellant ainsi l’unité de la vie et de la connaissance. En accordant « la primauté au nerf », Büchner semble trouver ses principes dans la physiologie, comme d’autres avant lui dans la religion ou l’éthique, utilisant l’autopsie à la fois comme mode de représentation et comme image désenchantée de la condition humaine.
Gisèle Séginger s’interroge ensuite sur les rapports de Gérard de Nerval et Gustave Flaubertaux savoirs médicaux de l’époque sur le rêve et la folie. Son article illustre combien ces derniers nourrissent des œuvres littéraires comme Aurélia (1855), dans le cas de Nerval, ou La Tentation (1874-1903)et Salammbô (1862-1874), dans celui de Flaubert, qui les utilisent pour donner une vraisemblance à leurs représentations, sans pour autant adhérer à l’idéologie positiviste. Si les hallucinations et les savoirs médicaux sur le rêve et la folie alimentent les fictions de Nerval et Flaubert, Gaïd Girard nous propose, pour sa part, une étude sur le mesmérisme, qui connut un succès fulgurant en Europe au XIXe siècle et particulièrement en Grande-Bretagne et en Irlande, dans les années 1830 à 1860. Phénomène à la fois médical et culturel, le mesmérisme met en question le lien entre corps et psychisme humain. En examinant des articles publiés dans le Dublin University Magazine entre 1840 et 1850, Girard s’attache à montrer combien le rapport mesmérique implique un rapport de force inégal non seulement du point de vue psychique mais aussi du point de vue des positions sociales et culturelles dans lesquels les corps se trouvent emprisonnés.
Tout au long du XIXe siècle, les clins d’œil à l’anatomie dans les œuvres littéraires marchent souvent de pair avec les recherches de savants fous en physiologie. L’article suivant, de Laurence Talairach-Vielmas, examine le cas du roman à sensation, littérature populaire de l’Angleterre victorienne qui naît dans les années 1860, et qui se nourrit des peurs liées au médical. Dans Armadale (1866), de Wilkie Collins, pathologies et thérapeutiques foisonnent, l’intrigue mêlant professionnels de la médecine et charlatans, et les spécimens exposés dans les bocaux dans les cabinets médicaux sont autant d’allusions à la recherche en physiologie, qui expérimente à outrance sur le corps (humain ou animal) et le dissèque à souhait. Mais le roman s’amuse aussi à déjouer le médical, utilisant tout particulièrement des clins d’œil à l’anatomo-pathologie et à la dissection pour mettre en lumière les limites du regard médical et sa définition de l’humain.
Enfin, les deux derniers articles nous mènent au tournant du XIXe siècle, à une époque où se développent des questionnements épistémologiques autour du corps, comme l’explique Hélène Machinal, tandis que les sciences remettent en question une iconographie validée par des siècles de croyance religieuse, ou que la découverte des rayons X par le physicien allemand Wilhem Conrad Röntgen en 1895 réactive le mythe de l’invisibilité, comme le montre Pierre Lile dans son étude du roman de Jules Verne, Le Secret de Wilhem Storitz, qui s’inspire de la découverte de Röntgen. Ce dernier article, qui revient sur l’histoire de l’image du corps transparent, n’est pas sans évoquer des prolongements possibles dans un questionnement plus contemporain sur l’imagerie médicale.


[1] On citera, à titre d’exemple et par ordre chronologique, Anne C. Vila, Enlightenment and Pathology. Sensibility in the Literature and Medicine of Eighteenth-Century France, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1998 ; Alfrieda et Jackie Pigeaud (dir.), Les Textes médicaux latins comme littérature, Nantes, Presses Université de Nantes, 2000 ; Juan Rigoli, Lire le délire. Aliénisme, rhétorique et littérature en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2001 ; Wolfgang Bongers et Tanja Olbrich (dir.), Literatura, cultura, enfermedad, Paidós, 2006 ; Andrea Carlino, et Alexandre Wenger (dir.), Littérature et médecine. Approches et perspectives (XVIe-XIXe siècles), Genève, Droz, 2007.

[2] George S. Rousseau, « Literature and Medicine: The State of the Field », Isis, 72, 1981, p. 406-424.

[3] Voir Devon L. Hodges, Renaissance Fictions of Anatomy, Amherst (Massachussets), University of Massachussets Press, 1985.

[4] Robert Burton, The Anatomy of Melancholy, what it is. With all the kindes, causes, symptomes, prognostickes, and severall cures of it. In three maine partitions… Philosophically, medicinally, historically, opened and cut up. By Democritus Junior, Oxford, Henry Cripps, 1621.

[5] « Mécaniques du Vivant : Savoir médical et représentations du corps humain XVIIe–XIXe siècle », Journées d’étude EXPLORA (CAS – EA 801/Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse), organisées dans le cadre du projet inter-MSH « Savoirs littéraires, savoirs scientifiques », 5-6 décembre 2011, Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse/Musée d’Histoire de la Médecine de Toulouse.

[6] L’expression appartient à Jonathan Sawday, The Body Emblazoned: Dissection and the Human Body in Renaissance Culture, London and New York, Routledge [1995] 1996, p. 44. Traduction des auteurs.




Système cérébronerveux et activités sensorimotrices de la physiologie ancienne au mécanisme des Lumières

Résumé : Si la médecine ancienne est souvent définie comme une médecine « humorale », c’est avant tout parce que la théorie des quatre humeurs, dont l’équilibre garantirait la bonne santé, est à la base de la réflexion pathologique et de la thérapeutique. En revanche, si l’on se situe sur le plan de la physiologie, le paradigme humoral n’a plus guère de pertinence. Le but de cet article est, après avoir présenté le système cérébronerveux tel que le concevait la physiologie ancienne, d’examiner ce qu’en ont conservé et transformé les théories mécanistes du cartésianisme et des penseurs des Lumières pour expliquer les activités sensorimotrices.

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Sous la lame, point d’essence ? L’excoriation dans le théâtre de la Renaissance

Résumé : Théologie, anatomie et théâtre s’affrontent à la Renaissance au sujet de la valeur conférée au corps. Objet de curiosité, d’exploration, de connaissance et d’enseignement, le corps est souvent réduit à une matérialité passive que résume Richard Holmes par cette phrase « Under the knife, there is no self » / Sous la lame, il n’y a point d’essence. En partant du mythe de Marsyas, le premier écorché de l’histoire de la littérature, nous offrons d’explorer comment le théâtre anglais de la Renaissance exploite la mécanique de l’enveloppe externe du vivant dans son exploration d’une subjectivité entre norme et marginalité. Confrontant anatomistes (Vésale, Valverde), peintres (Michel-Ange, David), poètes (Dante) et dramaturges (Shakespeare, Middleton, Preston), cet article montrera la dynamique de dépassement ontologique transgressif caractérisant les diverses représentations de l’expérience excoriative à la Renaissance.

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Le Corps syphilitique dans le théâtre anglais de la Renaissance

Résumé : La syphilis fait des ravages en Europe (en particulier en Angleterre) à partir de la fin du XVe siècle, pour connaître une apogée au milieu du XVIe. Elle est à l’origine d’une « grande peur » qui traumatise les esprits et marque profondément les consciences. L’épidémie est d’une telle ampleur qu’elle fait partie du quotidien des contemporains de Shakespeare et de Jonson. La connaissance de la maladie et son traitement progressent vite, et les traités à son sujet se multiplient. Cependant, de nombreuses zones d’ombre demeurent, essentiellement dues au fait que beaucoup des symptômes de la syphilis sont également caractéristiques d’autres maladies « honteuses » qui font de nombreuses victimes, comme la lèpre. Si la syphilis traumatise autant, c’est non seulement en raison des douleurs physiques qu’elle engendre, mais aussi parce que ceux qui en souffrent apparaissent aux yeux de leurs concitoyens comme des individus au comportement dépravé dont le corps porte les marques visibles de la conduite licencieuse. En effet, si au début, on pense que la maladie se transmet par l’air (comme la peste), le mode sexuel de contamination est rapidement décelé et désigne le patient comme coupable de fornication, vice particulièrement grave et honteux dans une société où la légitimité des héritiers assure la bonne transmission du capital et des titres. Les symptômes dermatologiques notamment trahissent la dépravation de membres prétendument respectables et influents de la société et révèlent la corruption de la société urbaine dans laquelle il n’est désormais plus possible de mentir. Ces préoccupations sont au cœur du quotidien des contemporains de Shakespeare et se retrouvent par conséquent tout naturellement dans la littérature de l’époque, notamment la littérature dramatique. Il s’agit ici de mettre en perspective l’état et l’évolution des connaissances médicales sur la syphilis dans l’Angleterre de la Renaissance et le portrait qui est fait de la maladie dans la littérature de l’époque, essentiellement dans les pièces de théâtre. On remarquera notamment que les descriptions du corps des syphilitiques abondent, et qu’elles participent au comique des pièces, un humour noir, carnavalesque, teinté de morbidité.

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Ecrire avec les nerfs : Médecine et anatomie chez Georg Büchner


Résumé : À la fois médecin et poète, Georg Büchner a laissé une œuvre dramatique foncièrement novatrice qui utilise l’autopsie comme méthode pour transporter dans la littérature une qualité propre à la science empirique alors en train de s’affirmer : la fracture, la fragmentation, l’observation. Dans Woyzeck, l’explosion de la forme ne relève pas seulement d’une approche esthétique, elle s’inscrit également dans une conception du vivant et une épistémologie que Büchner élabore au fur et mesure de ses recherches en médecine et en biologie, recherches qui rejoignent ses préoccupations sur l’organisation sociale et le sens de l’histoire. Foncièrement anti-téléologique, cette conception va le mener à remettre en question la médecine légale de son temps et sa méthode biographique pour lui opposer une approche psychosomatique, fondée sur les rapports entre corps et esprit, entre causes psychiques et effets physiques.
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Corps mystiques, esprits malades

Résumé : Nerval et Flaubert ont vécu eux-mêmes des hallucinations et ils écrivent à une époque où se diffusent des savoirs médicaux sur le rêve et la folie. Le docteur Jacques Moreau de Tours et Alfred Maury ont particulièrement contribué à faire évoluer les représentations du moi et de la conscience, en ébauchant des thèses pré-freudiennes : transformation des idées en sensations physiques, somatisation, rôle de l’inconscient et du refoulement. Les textes nervaliens et flaubertiens sont tributaires de cette évolution médicale. Bien sûr les savoirs positivistes qu’ils utilisent donnent une vraisemblance épistémologique à leurs œuvres. Mais l’essentiel est ailleurs. Ces savoirs contribuent à l’invention de thèmes littéraires et de nouvelles formes textuelles. De surcroît, loin de les utiliser dans une perspective positiviste, Nerval et Flaubert les détournent, l’un au profit d’une connaissance mystique, l’autre au profit d’une resymbolisation artistique. Dans les deux cas, les œuvres trouvent de nouvelles ressources poétiques dans le dialogue avec les savoirs médicaux mais elles se différencient par leur approche du phénomène religieux et par la représentation des corps mystiques : corps sublimes chez l’un, corps malades chez l’autre.
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08. Les Corps mesmériques à l’ère victorienne

Résumé : Le mesmérisme connut un succès fulgurant en Europe au XIXe siècle et particulièrement en Grande-Bretagne et en Irlande, des années 1830 à 1860. Phénomène à la fois médical et culturel (la littérature fantastique s’est emparée du sujet et on ne compte plus les spectacles de medium ou de somnambules), le mesmérisme est au cœur de vifs débats entre matérialistes, vitalistes et spiritualistes. Il met en question le lien entre corps et psychisme humain, annonçant les avancées à venir de la psychiatrie et l’avènement de la psychanalyse. L’étude des articles publiés à ce sujet dans le Dublin University Magazine dans les années 1840 et 1850, qui lient à l’occasion sorcellerie, mesmérisme, shamanisme, rites gaéliques et hystérie, montre bien la nécessité de replacer ce phénomène dans un contexte historique et politique précis, ici celui de l’Empire britannique. A la manière de ce que Bertrand Meheust a fait dans son ouvrage sur le voyant français Alexis Didier, cet article s’attache à montrer combien le rapport mesmérique implique un rapport de force inégal non seulement du point de vue psychique mais aussi du point de vue des positions sociales et culturelles dans lesquels les corps sont enserrées.
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« Shapeless dead creatures … float[ing] in yellow liquid » : Dissection, Exposition et Traitement du Système Nerveux dans Armadale de Wilkie Collins

Résumé : Le roman à sensation, littérature populaire de l’Angleterre victorienne qui naît dans les années 1860, est un genre qui se nourrit des peurs liées au médical. Dans Armadale (1866), de Wilkie Collins, pathologies et thérapeutiques foisonnent, l’intrigue mêlant professionnels de la médecine et charlatans. Mais le roman s’amuse à déjouer le médical, utilisant tout particulièrement des clins d’œil à l’anatomo-pathologie et à la dissection pour mettre en lumière les limites du regard médical et sa définition de l’humain.

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Le Singe et l’ange : Le corps de l’origine dans la littérature de la fin du XIXe siècle

Résumé : Cette étude se penche sur la crise épistémologique de la fin du XIXe siècle et sur ses répercussions en terme de représentation de l’origine. Lorsque la science remet en question une iconographie validée par des siècles de croyance religieuse, comment la fiction peut-elle proposer des modes de compensation à la perte de l’image et de l’identité associées à cette dernière ? Avec les trois exemples du détective Sherlock Holmes, du vampire Dracula et du savant Jekyll, nous verrons comment la fiction peut construire des figures mythiques qui sont liées à la crise ontologique et épistémologique déclenchée par la théorie de l’évolution.

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Le Corps invisible dans Le Secret de Wilhem Storitz de Jules Verne


Résumé : Cette étude se penche sur la découverte des rayons X par le physicien allemand Wilhem Conrad Röntgen en 1895 et son impact sur un roman peu connu de Jules Verne écrit à la même époque, et cherche à montrer comment le mythe de l’invisibilité, qui intrigue encore aujourd’hui les scientifiques, peut servir à aborder la question du « corps transparent », tel qu’il apparaît dans l’imagerie médicale moderne.

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